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Curatelle de paternité... lorsque la mère refuse de coopérer

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Curatelle de paternité... lorsque la mère refuse de coopérer

Éclairages
Droit de la filiation
Référence de la décision: 
Mots-clés: 
Filiation paternelle, Curatelle de représentation en paternité et aliments
Articles de loi: 
iusMail DROIT CIVIL 01/2017
Curatelle de paternité... lorsque la mère refuse de coopérer
Eclairage de l'arrêt 5A_220/2016 du 15 juillet 2016

 

I. Résumé de l’arrêt

Dans l’ATF 142 III 545 du 15 juillet 2016, les juges fédéraux ont eu l’occasion d’examiner les conditions de mise en œuvre de la curatelle de paternité selon l’art. 308 al. 2 CC alors que l’art. 309 aCC (« curatelle de constatation de la paternité ») a été abrogé au 30 juin 2014. L’abrogation de l’art. 309 aCC a été justifiée notamment par le souci de ne pas mettre les mères non mariés « sous tutelle » et compensée, pour répondre aux critiques formulées contre cette suppression, par l’introduction à l’art. 308 al. 2 CC de la précision que le curateur peut se voir conférer le pouvoir d’établir la filiation paternelle de l’enfant (consid. 2.2). Lorsqu’un enfant naît d’une femme non mariée, la curatelle n’est dès lors pas automatique, mais mise en œuvre uniquement « si cette mesure apparaît nécessaire » ; tel est notamment le cas « lorsque le développement de l’enfant est menacé et que la mère n’y remédie pas d’elle-même ou [est] hors d’état de le faire ». L’autorité prononçant la mesure de protection dispose dans ce cadre d’un large pouvoir d’appréciation (art. 4 CC) (consid. 2.3). Dans le cas d’espèce, la mère de l’enfant ne souhaite pas révéler le nom du père « pour des motifs strictement personnels » et conteste la curatelle mise en œuvre afin d’établir la filiation paternelle de l’enfant (consid. 2.3).

L’arrêt rappelle que « le bien-être de l'enfant ne se résume pas à la satisfaction de ses seuls besoins matériels (art. 276 CC […]), mais comprend tout ce qui est propre à favoriser et à protéger son développement corporel, intellectuel et moral (art. 302 al. 1 CC) » (consid. 3.1). S’agissant, d’une part, de la question financière, les juges relèvent l’importance du lien de filiation tant pour l’entretien que pour la vocation d’héritier légal de l’enfant (consid. 3.1). Ce dernier a, d’autre part, le droit de connaître ses origines, voire de faire établir sa filiation paternelle, la « connaissance de l’ascendance [étant] un élément important de la construction de sa personnalité » (consid. 3.2).

Le curateur peut exceptionnellement, avec l’accord de l’autorité de protection (art. 416 ch. 9 CC), renoncer à l’action en paternité mais uniquement lorsque cette renonciation est motivée par l’intérêt de l’enfant, pas lorsqu’elle poursuit le but de ne pas dévoiler une relation susceptible de compromettre la propre réputation des parents (consid. 3.2). En l’occurrence, la violation de la « sphère privée » de la mère de l’enfant n’est pas un argument permettant de renoncer à la curatelle d’établissement de la filiation paternelle (consid. 3.2).

 

II. Commentaire

Différents éléments peuvent être mis en évidence à la lecture de cette jurisprudence :

  • Lorsqu’un enfant naît d’une femme non mariée et que ni cette dernière, ni le père biologique de l’enfant n’entreprennent de démarche pour établir le lien de filiation paternelle (reconnaissance, action en paternité ou mariage), l’autorité de protection de l’enfant doit mettre en œuvre une curatelle de paternité (art. 308 al. 2 CC). Le Tribunal fédéral prend ainsi position en faveur d’une application stricte de la disposition légale lorsque l’enfant ne jouit pas d’un lien de filiation paternelle à la naissance.
  • L’enfant a le droit de faire établir sa filiation paternelle et ce droit ne peut être laissé à la libre disposition de la mère : il ne peut être renoncé à la nomination d’un curateur de paternité que « dans l’éventualité où la mère entend faire constater la filiation paternlle, mais non lorsqu’elle s’y refuse » (consid. 3.2). A notre sens et dans l’hypothèse dans laquelle la mère de l’enfant arrive à démontrer qu’elle ne connaît pas l’identité du père biologique et qu’aucun moyen ne pourrait permettre d’établir cette identité – en cas d’insémination anonyme intervenue à l’étranger par exemple – l’autorité peut néanmoins renoncer à prononcer la mesure (voir par exemple : JdT 2011 III 50).
  • Il convient de distinguer le droit de connaître son origine du droit de faire établir un lien de filiation paternelle ; le droit de connaître son origine n’entraîne pas automatiquement le droit de faire établir un lien de filaition juridique (ATF 137 I 154/JdT 2012 II 229, consid. 3.4.1; Meier/Stettler, Droit de la filiation, N 382). Dans l’ATF 142 III 545, les juges mentionnent expressément le droit de faire établir la filiation paternelle qui trouve toutefois ses limites dans les conditions légales relatives à l’établissement du lien juridique (cf. par exemple l’art. 23 al. 2 LPMA) alors que le droit de connaître ses origines – en l’occurrence son ascendance paternelle – ne connaît pas de telles limites (ATF 137 I 154/JdT 2012 II 229, consid. 3.4.1 ; Meier/Stettler, Droit de la filiation, N 384).
  • Si la mère refuse de communiquer le nom du père (en violation de l’art. 272 CC), certains auteurs soutiennent qu’elle peut être soumise à la menace d’une sanction fondée sur l’art. 292 CP (de Vries Reilingh, PJA 2003 363 (371) ; Leuba/Meier/Sandoz, Quelle famille pour le XXIème siècle ?, p. 167 ; voir également : Besson, Das Grundrecht auf Kenntnis der eigenen Abstammung, p. 61), ce qui semble douteux (Affolter-Fringeli/Vogel, Berner-Kommentar, art. 308 N 45 ; Guillod, CR-CC, art. 261 N 8 ; Meier/Stettler, Droit de la filiation, N 158 et 1268). De même, la mère ne peut pas être menacée d’un retrait de l’autorité parentale ou de la garde si elle refuse de communiquer le nom du père (Meier/Stettler, N 158). L’arrêt ne tranche pas cette question et ne mentionne pas la possibilité d’user de moyens de contrainte à l’égard de la mère, mais relève que la mise en œuvre de la curatelle en cause « promet d'être ardue vu l'opposition de la mère » (consid. 3.3).
  • Certaines autorités de protection de l’enfant acceptent de renoncer à la curatelle de paternité fondée sur l’art. 308 al. 2 CC lorsque la mère confie le nom du père de l’enfant à un notaire et qu’elle s’engage à le lui révéler avant ses dix-huit ans. Cette méthode a notamment pour avantage de laisser une trace du nom du père dans l’éventualité dans laquelle la mère ne serait plus en mesure de le communiquer et laisse à l’enfant la possibilité d’ouvrir une action en paternité (art. 263 al. 1 ch. 2 CC : l’enfant peut ouvrir action en paternité au plus tard une année après qu’il a atteint l’âge de la majorité). Il semble toutefois, en application de la nouvelle jurisprudence du Tribunal fédéral, qu’une telle démarche de la mère ne devrait pas permettre à l’autorité de protection de se passer de la nomination d’un curateur de paternité.
  • Finalement, il est intéressant de relever l’importance accordée dans cet arrêt à la question de l’entretien et de la qualité d’hériter légal de l’enfant (consid. 3.1), ce qui n’est pas toujours le cas dans la jurisprudence du Tribunal fédéral (voir notamment les deux arrêts topiques rendus en matière de gestation pour autrui (ATF 141 III 312 et 141 III 328) dans lesquels les enfants concernés se voient privés de ces prérogatives vis-à-vis des parents d’intention avec lesquels leur lien de filiation établi à l’étranger n’est pas reconnu en Suisse).