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Ces modèles sont disponibles en format PDF et WORD dans la rubrique « documentation ».
Acte constitutif d'une fondation et Réglement du conseil de fondation
Action en paiement d’entretien de l’enfant majeur
Action en modification du jugement de divorce
Action en partage de la copropriété
Action en contestation de décisions de la communauté des copropriétaires par étages
Pour rappel, s’agissant de l’enfant créancier, le Tribunal fédéral a admis que le père ou la mère d'un enfant mineur pouvait le représenter pour toutes les questions de nature pécuniaire (ATF 136 III 365 – JdT 2010 I 514). En revanche, dès que l'enfant devient majeur, il doit agir seul en justice et diligenter des poursuites pour recouvrer des aliments qui lui sont dus, même s'ils étaient dus et impayés pendant sa minorité (ATF 142 III 78, cons. 3). Le TF a également jugé que la faculté du parent qui détient l'autorité parentale d'agir en son propre nom et à la place de l'enfant perdurait au-delà de la majorité de l'enfant, lorsque celle-ci intervient en cours de procédure, pour autant que l'enfant majeur y consente ; il doit être consulté et s'il approuve les prétentions réclamées, le dispositif du jugement devra préciser que les contributions d'entretien seront payées en mains de l'enfant (arrêt du TF 5A_874/2014 du 8 mai 2015, cons. 1.2).
Dans un arrêt TF 5A_817/2016 du 1er mai 2017, le Tribunal fédéral a admis que l’enfant devenue majeure au cours de la procédure de mesures protectrices de l’union conjugale opposant ses parents avait qualité pour recourir devant lui : « S'agissant de sa participation à la procédure antérieure, bien qu'elle n'ait pas formellement présenté de conclusions durant la procédure cantonale, elle s'est néanmoins ralliée à celles prises en sa faveur par sa mère. Cela suffit pour admettre qu'elle a pris part à la procédure, au sens de l'art. 76 al. 1 let. a LTF (arrêt 5A_898/2010 précité consid. 1.1.2) » : les termes « prendre part » qui s’y trouvent signifient « participer à la procédure en présentant des conclusions ; il n'est toutefois pas nécessaire que le recourant ait eu la qualité de partie selon la loi de procédure applicable (arrêt 5A_898/2010 du 3 juin 2011 consid. 1.1.1 et la doctrine citée) ».
Or, dans cet arrêt, la mère, anciennement gardienne de l’enfant devenue majeure durant la procédure, autant que sa fille se plaignaient de n’avoir pas été interpellées par les juridictions cantonales à propos du manque de clarté de leurs explications chiffrées à propos de leur train de vie allégué, ce qui aurait constitué une violation des art. 55, 272 et 296 CPC : ces instances auraient dû éclaircir les faits. Le Tribunal fédéral leur a donné tort pour ce motif : « En tant qu'elle fait valoir que la cour cantonale aurait dû l'interpeller et éclaircir elle-même les faits qu'elle estimait lacunaires, la recourante perd de vue que l'art. 272 CPC, applicable à la contribution d'entretien entre époux, n'oblige pas le juge à rechercher lui-même l'état de fait pertinent (arrêts 5A_125/2016 du 27 juillet 2016 consid. 4.2 ; 5A_298/2015 du 30 septembre 2015 consid. 2.1.2) ». En bref : l’enfant n’étant plus mineure, la maxime des débats s’appliquait à la procédure touchant aux aliments qui lui étaient dus, puisqu’ils étaient réclamés par un conjoint dans une procédure matrimoniale, agissant en son nom pour compte d’autrui.
Il se trouve que, dans un arrêt 5A_524/2017 du 9 octobre 2017, saisi d’un recours formé par le seul parent qui avait la garde de l’enfant durant la minorité de ce dernier, devenu majeur au cours de la procédure, le Tribunal fédéral a statué autrement.
Au considérant 3.1. de l’arrêt, le Tribunal fédéral rappelle d’abord que la contribution due à l'entretien d'un enfant mineur dans le cadre des mesures protectrices est prévue à l'art. 176 al. 3 CC, lequel renvoie aux art. 276 ss CC, et est soumise à la maxime d'office (art. 296 al. 3 CPC ; ATF 129 III 417 consid. 2.1.2 ; 128 III 411 consid. 3.2.2 et les références), ce qui a pour conséquence que le juge n'est pas lié par les conclusions des parents. Il rappelle aussi qu’en vertu de l'art. 282 al. 2 CPC (correspondant à l'art. 148 al. 1, 2e phrase, aCC), lorsque le recours porte sur la contribution d'entretien allouée au conjoint, la juridiction de recours peut également réexaminer les contributions d'entretien allouées aux enfants, même si elles ne font pas l'objet du recours : « Cette règle est une émanation de la maxime d'office applicable en matière de contribution d'entretien pour les enfants (art. 296 al. 3 CPC) ; l'interdiction de la reformatio in pejus ne s'applique pas ». Dès lors, « même lorsque seule la contribution du conjoint est remise en cause en appel, le juge peut fixer à nouveau tant la contribution due au conjoint que celles dues aux enfants et ce même en l'absence de conclusions quant à ces dernières, puisque cette disposition introduit une exception au principe de la force de chose jugée et que le juge n'est pas lié par les conclusions des parties du fait de l'application de l'art. 296 al. 3 CPC. L'inverse n'est en revanche pas possible, car la contribution d'entretien due par un conjoint à l'autre est quant à elle soumise au principe de disposition, conformément à l'art. 58 al. 1 CPC… En outre, la maxime d’office de l'art. 296 al. 3 CPC vaut pour toutes les procédures applicables aux enfants dans les affaires du droit de famille selon le titre 7 de la deuxième partie du CPC… Dès lors que l'art. 282 al. 2 CPC en est une manifestation en deuxième instance, cette disposition s'applique également dans le cadre des mesures protectrices de l'union conjugale ».
Le TF poursuit ainsi son raisonnement au considérant 3.2.2. de l’arrêt : « Selon la jurisprudence rendue à propos de l'art. 280 al. 2 aCC, l'application des maximes inquisitoire illimitée et d'office se justifie s'agissant d'enfants mineurs, dès lors qu'il existe un intérêt supérieur à établir la vérité matérielle et que l'enfant ne revêt pas la qualité de partie dans la procédure opposant ses parents, en sorte que la protection de ses intérêts doit encore être renforcée. Lorsque l'enfant majeur réclame une contribution à son entretien en application de l'art. 277 al. 2 CC, il procède au contraire indépendamment d'une procédure matrimoniale. Dans cette hypothèse, il n'existe donc pas d'interdépendance entre la contribution à son entretien et celle due par l'un des époux à l'autre. Les intérêts en présence ne sont par ailleurs pas non plus les mêmes: alors que l'obligation de contribuer à l'entretien de l'enfant mineur constitue la règle, les contributions en faveur d'enfants majeurs, dont le caractère exceptionnel a certes été relativisé (ATF 129 III 375), n'en demeurent pas moins soumises à conditions. Pour le Tribunal fédéral, il se justifie par conséquent d'octroyer dans ce cas une protection procédurale moins grande au crédirentier et de prendre plus largement en compte les intérêts des parents (ATF 118 II 93 consid. 1a précité). Lorsque, comme dans le cas particulier, la majorité de l'enfant survient au cours d'une procédure matrimoniale, notamment de mesures protectrices de l'union conjugale, la faculté du parent qui détient l'autorité parentale d'agir en son propre nom et à la place de l'enfant (Prozessstandschaft ou Prozessführungsbefugnis) perdure, pour autant que l'enfant désormais majeur y consente. Si l'enfant approuve les prétentions réclamées, le procès est poursuivi par le parent détenteur de l'autorité parentale (ATF 129 III 5 consid. 3 ; arrêt 5A_874/2014 du 8 mai 2015 consid. 1.2 et les références). L'enfant ne devient donc pas partie à la procédure. Dès lors, il n'apparaît pas arbitraire de considérer que, n'étant pas partie à la procédure, l'enfant majeur doit dans ce cas bénéficier, comme l'enfant mineur, d'une protection procédurale accrue et, partant, d'admettre que la maxime d'office continue de s'appliquer au-delà de la majorité. »
Voilà de quoi faire hésiter les jeunes adultes désireux d’assumer leur autonomie en intervenant au procès de leurs parents sur le fondement de l’art. 73 CPC…